
Je ne pensais pas que cela m’arriverait un jour. Et pourtant, j’ai accouché mon troisième enfant à domicile, chez ma mère. C’est de loin l’expérience la plus intense que j’ai jamais vécu, et aussi l’une des plus belles. J’ai lu de nombreux témoignages de femmes qui ont accouché chez elles, soit par choix, accompagnées d’une sage-femme (ou non), soit parce que le travail a été trop rapide pour qu’elles puissent se rendre à l’hôpital.
Secrètement je les enviais, car je n’ai pas vraiment aimé accoucher à la maternité. Premièrement parce qu’il fait froid en salle de naissance. Deuxièmement, le lit est petit et inconfortable, ce qui rendait, pour ma part, la gestion des contractions assez compliquée. Et puis devoir attendre les sages-femmes en espérant avoir gagné un demi-doigt à chaque examen du col, très peu pour moi. Alors l’idée d’avoir à remettre ça pour la naissance de mon troisième enfant et de passer des heures à souffrir en salle de naissance ne m’enchantait pas trop, d’autant plus que le travail avait été long pour mes deux premiers.
J’avais donc prévu de gérer les contractions au maximum à la maison, et d’appeler les pompiers lorsque la situation deviendrait difficilement supportable, mais une semaine avant ma date prévue d’accouchement, ma mère a suggéré que nous lui amenions les enfants afin que mon mari soit présent lors de la naissance du troisième. Finalement, les choses se sont passées ainsi:
Bondy, 9h
Je me rends au laboratoire près de la gare afin d’y réaliser un test PCR en vue de mon rendez-vous du lendemain, à J+1, à la maternité. J’en avais déjà réalisé un deux semaines avant, mais la maternité en exigeait un plus récent pour l’accouchement et l’hospitalisation en suites de couche. Ayant repoussé la réalisation de cet examen, qui n’est pas des plus agréable, j’ai dû me rendre dans le seul laboratoire à la ronde qui recevait sans rendez-vous. Comme je suis arrivée trop tôt, j’ai attendu presque une demi-heure dehors, et à l’ouverture du labo, ils m’ont annoncé que les tests COVID n’avaient lieu qu’à partir de dix heures. J’ai donc du m’occuper pendant une demi-heure supplémentaire. En plein reconfinement, la seule chose que je pouvais faire était de marcher, les magasins dits « non-essentiels » étant fermés. Cette promenade forcée aura-t-elle aidé le travail à se mettre en route?
Clichy-sous-Bois, 11h30
Après avoir réalisé le fameux test PCR, j’arrive enfin chez moi. Prise de fatigue et de douleurs au bas-ventre, je décide de faire une petite sieste. Les douleurs étant diffuses et continues, je mets ça sur le compte des ligaments, en pensant qu’un bon repos les ferait disparaître. A mon réveil une heure plus tard, les douleurs sont toujours là mais n’ont pas augmenté en intensité. Après avoir raccroché avec ma mère, qui avait appelé pour souhaiter un joyeux anniversaire à ma fille, je lui prépare son petit repas. Ce ne sera pas quelque chose de très élaboré, la fatigue étant toujours présente.
14h
Allongée sur mon lit, je sens un liquide couler de mon entrejambe: j’ai fissuré la poche des eaux. Je préviens mon mari que je vais devoir me rendre à la maternité, même si les contraction que je commence à ressentir ne sont vraiment pas fortes. Après un appel à l’hôpital et à l’école de mon fils pour prévenir que je viendrai le chercher après la sieste à 15h20, je termine ma valise de maternité (à 41sa), je prépare quelques affaires pour les enfants et je fais un brin de ménage. Entre temps, les contractions étant un peu plus intenses mais toujours supportables, mon mari rappelle l’école maternelle afin de prévenir que mon fils sera récupéré dès que possible. Moi je peste, pourquoi il a fallu que je fissure la poche des eaux, cela m’obligera à rester des heures à la maternité, pour subir un éventuel déclenchement si le travail ne se met pas en route: tout ce que je voulais éviter.
14H50
Je récupère mon fils, j’ai de plus en plus de mal à marcher et je dois faire une pause à chaque contraction.
15h
Nous nous mettons en route pour aller déposer les enfants chez leur grand-mère avant de se rendre à la maternité. Pendant le trajet, les contractions gagnent en intensité, mais en mettant la musique à fond et en chantant sur du gospel, j’arrive encore à gérer.
Bobigny, 15H30
Nous arrivons chez ma mère. A peine sortie de la voiture, les contractions deviennent violentes, à la limite du supportable. Je décide de prendre une douche, dans l’idée que s’il s’agit de faux travail, les douleurs s’apaiseront. Au contraire, l’eau m’a à peine touchée que la douleur s’est amplifiée. Je m’allonge sur le lit de mon ancienne chambre, et dis à mon mari que j’attends de reprendre des forces avant de partir à la maternité, mais au fond de moi je savais que les choses allaient empirer et que je ne pourrais aller nulle part. Quelques minutes plus tard ma mère vient me voir, et propose, vu mon état, d’appeler le SAMU.
Bilan
J’ai aimé accoucher à domicile, dans un environnement qui m’est familier et dans lequel j’ai pu gérer mes contractions comme je le voulais. Ma mère avait remplacé mon lit par un plus grand, j’ai donc eu tout loisir de rouler, me déployer avec aisance, crier. J’ai surtout pu accoucher dans la position que j’ai voulu, et pousser quand je le sentais, et pas quand une sage-femme me le dirait. Pour tout ça, Dieu merci, je n’ai pas eu le temps de me rendre à l’hôpital. Mon troisième accouchement aura été le plus beau, malgré la douleur bien présente, car je n’ai pas eu à subir, je suis restée maîtresse de la situation tout le long. Je suis malgré tout consciente des risques encourus (procidence du cordon, cordon enroulé autour du cou du bébé), mais malgré la peur, je sentais dans mon cœur que tout se passerait bien.
Cet accouchement à domicile m’a également fait mûrir. Alors que je subissais les aléas de la vie et que j’étais à deux doigts de baisser les bras (merci les hormones de grossesse), le fait d’accoucher sans encadrement médical ma redonné foi, en Dieu et en moi-même. Ayant vécu cette expérience si intense, il n’y a désormais plus rien que je ne puisse surmonter.